Revenu et développement des enfants: Synthèse de la recherche
Auteurs: Annie McEwen et Jennifer Stewart
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Résumé (français)
Depuis que le gouvernement fédéral a adopté le premier programme d’allocation familiale en 1945, les transferts gouvernementaux aux ménages avec enfants constituent une mesure sociale de base au Canada. Au cours des années, tant Ottawa que les provinces ont investi d’importantes sommes dans ce type de programmes. En 2011 uniquement, le gouvernement fédéral dépensait ainsi plus de 12 milliards de dollars. Bien que pouvant être motivés par plusieurs objectifs, une des principales prémisses derrière ces transferts est que l’augmentation du revenu familial favorise le développement des enfants, particulièrement ceux des familles à faible revenu. À l’aide des conclusions d’études canadiennes sur la question, notamment celles utilisant des données d’enquêtes longitudinales, cette synthèse examine cette prémisse de manière critique afin d’en tirer des leçons pour nos politiques publiques et indiquer nos lacunes de connaissances dans ce domaine de recherche: que pouvons-nous réellement espérer de programmes publics, telles les allocations familiales, qui augmentent le revenu des familles? Permettent-ils vraiment d’améliorer le développement des enfants ? Trente-quatre études ont été retenues aux fins de cette synthèse; parmi celles-ci, cinq ont une démarche méthodologique ou utilisent des techniques statistiques qui permettent spécifiquement d’examiner le lien de causalité entre revenu et développement des enfants. Nous abordons également les aspects théoriques et méthodologiques clés dans ce champ de recherche. En bref, que nous apprennent ces études ? Toutes choses étant égales par ailleurs, elles montrent qu’un revenu supérieur améliore le développement des enfants en ce qui a trait à la plupart des indicateurs examinés (cognitif, comportemental et socioaffectif), mais que ces améliorations sont assez faibles. La plus grande partie de la corrélation que l’on peut établir entre de faibles revenus et de moins bons résultats chez les enfants est en fait attribuable à d’autres facteurs souvent associés aux faibles revenus; le revenu en tant que tel a une assez faible influence sur le développement des enfants quand on prend en compte ces autres facteurs. En ce qui concerne les politiques publiques, la recherche indique que les transferts gouvernementaux aux familles moins bien nanties n’amélioreront pas de beaucoup le développement des enfants et que s’appuyer uniquement sur le revenu pour éliminer les écarts qu’on observe en matière développement entre les enfants de familles à faible revenu et ceux de familles à revenu élevé est une approche qui s’avérera vraisemblablement peu efficace. Mais la recherche dans ce domaine ne concerne pas que la force de la relation statistique qui existe entre revenu et développement; plusieurs études apportent également un éclairage utile sur la qualité de ce lien et permettent ainsi de dresser un portrait plus nuancé de la question. En ce qui concerne les politiques publiques, ces études indiquent que les transferts gouvernementaux gagneraient en efficacité s’ils étaient plus ciblés: L’effet du revenu sur le développement des enfants n’est pas linéaire-c’est-à-dire qu’un dollar supplémentaire de revenu aun effet plus important sur les enfants des familles à faible revenu. En conséquence, il serait plus efficace de donner des prestations substantiellement plus élevées aux familles à faible revenu qu’aux familles à revenu élevé. L’effet du revenu sur le développement des enfants affiche un rendement marginal décroissant -c’est-à-dire que chaque dollar supplémentaire a un effet moins important sur le développement que le dollar précédent. Passé un certain niveau de revenu, l’effet du revenu atteint un plateau et se stabilise de sorte qu’une augmentation n’a essentiellement aucun effet sur les indicateurs de développement. Plusieurs prestations pour enfants actuellement versées aux familles canadiennes sont progressives et diminuent au fur et à mesure que le revenu augmente, mais bon nombre sont également versées aux familles ayant un revenu dépassant largement ce seuil. Le revenu a un effet plus important durant la petite enfance. Comme les problèmes de développement à ce stade tendent à persister durant le reste de l’enfance et à devenir un handicap plus tard dans la vie, les prestations devraient être plus élevées dans le cas des jeunes enfants. Le revenu peut aussi influencer la trajectoire que suit le développement d’un enfant. Chez les enfants de familles à faible revenu, un déficit d’apprentissage qui apparaît tôt persiste plus longtemps et a plus d’effets négatifs à long terme. Les enfants de familles plus aisées peuvent aussi connaître des problèmes de développement mais ils sont plus susceptibles d’améliorer leurs résultats avec le temps. La recherche canadienne sur les effets du revenu sur le développement des enfants a beaucoup progressé depuis 20 ans. Des données plus pertinentes et plus accessibles ainsi que des techniques plus poussées ont permis la réalisation d’études plus raffinées. Toutefois, comprendre le lien complexe qui existe entre revenu familial et développement des enfants demeure un enjeu et pour démêler cet écheveau, il faudra plus d’analyses, plus poussées encore, et de meilleures données. En particulier, les lacunes suivantes dans nos connaissances devraient faire l’objet d’une attention plus soutenue: On sait que plus une situation de faible revenu dure longtemps, plus l’effet sur le développement des enfants est marqué. On doit mieux comprendre comment la durée du faible revenu et la dynamique du revenu pendant l’enfance influencent les enfants. Jusqu’à maintenant, la recherche a surtout porté sur la petite enfance; nous devons en apprendre plus sur les enfants d’âge scolaire, sur les adolescents en particulier. Jusqu’à maintenant, la recherche a surtout été axée sur les aspects cognitifs et comportementaux du développement des enfants; d’autres facteurs non cognitifs potentiellement importants, telles la maîtrise de soi et la santé mentale, sont peu documentés et analysés ; ces aspects du développement devraient devenir une priorité de recherche. Des études suggèrent que les effets du revenu ne sont pas les mêmes pour tous les enfants et peuvent varier selon différents groupes; par exemple, le revenu a un effet différent sur les filles et les garçons. Il existe sans doute d’autres variations semblables dont on doit tenir compte quand on désire mesurer l’effet du revenu. Malheureusement, à l’heure actuelle, il n’y a pas de banque de données permettant de suivre l’évolution des enfants canadiens de la naissance à l’âge adulte. L’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes (ELNEJ) – qui a suivi des milliers d’entre eux de 1994 à 2008 et qui a été déterminante pour mieux comprendre le développement des enfants canadiens, comme la présente synthèse le démontre – est maintenant inactive. Bien qu’utiles, les données documentant l’expérience des enfants ailleurs dans le monde ne peuvent être transposées qu’avec beaucoup de prudence au contexte canadien compte tenu de l’importance des différences institutionnelles et politiques, tels les système de santé et d’éducation. Si l’on désire fournir aux décideurs canadiens des données probantes utiles pour améliorer le développement des enfants et favoriser la mobilité intergénérationnelle, il importe d’étudier l’expérience des enfants canadiens elle-même. Pour ce faire, développer une enquête nationale longitudinale de qualité devrait être une priorité.
Résumé (anglais)
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Détails
Type | Synthèse de la recherche |
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Auteur | Annie McEwen et Jennifer Stewart |
Année de pulication | 2014 |
Titre | Revenu et développement des enfants: Synthèse de la recherche |
Nom du Journal | Série synthèse du RCCDR |
Établissement | CRDCN |
Langue de publication | Français |