La pénurie des infirmières au Canada : Le rôle des mécanismes de fixation des salaires
Auteurs: Ruolz Ariste
Aperçu
Résumé (français)
Plusieurs études et sources médiatiques font état d’une pénurie de main-d’oeuvre (MO) dans la profession des sciences infirmières. On prédit même que la situation n’est pas prête à s’améliorer puisqu’avec le vieillissement de la population, la demande pour les services de soins infirmiers ne peut qu’augmenter. Étant donné cette pénurie, on pourrait supposer que, dans une perspective de maximisation du revenu salarial, les infirmières en poste auraient une plus forte intensité de travail que les employés des autres secteurs de l’économie, sinon au moins la même intensité de travail. Pourtant, cela ne semble pas être le cas. C’est dans cette optique que s’intègre le premier article de cette thèse. Il vise à faire la lumière sur le marché du travail des infirmières en cherchant à saisir la nature et l’ampleur de la pénurie. Il traite de l’efficacité et des distorsions du marché du travail des infirmières à travers des dimensions classiques: soit l’offre, la demande, le salaire et les différentes institutions en présence. Un des résultats principaux de cette étude est qu’il existe différents concepts de pénurie. Il est important d’en identifier le type pour mieux cibler la façon d’intervenir en termes de politiques publiques. Compte tenu de la pénurie de MO infirmière et du fait que cette dernière n’a pas travaillé plus d’heures par semaine que les travailleurs similaires dans d’autres secteurs de l’économie, cela implique que l’objectif de maximisation du revenu peut être poursuivi en cherchant des taux de rémunération plus élevés. Avec un taux de syndicalisation élevé, une telle stratégie est plausible. Cependant, la littérature suggère également que les infirmières font face à un marché du travail caractérisé par le monopsone (ou oligopsone), c’est-à-dire qu’elles offrent leur travail dans un seul hôpital (ou quelques hôpitaux) dans une région donnée. Dans un tel contexte, ces hôpitaux peuvent offrir un salaire inférieur à celui que nous aurions vu dans un marché concurrentiel, i.e. qu’on s’attend à ce que les salaires horaires soient plus faibles dans les hôpitaux à forte concentration de marché, ce qui peut être source de pénurie régionale. Le second article cherche à vérifier cette hypothèse en utilisant les fichiers de micro-données de l’Enquête sur la population active (EPA) de Statistiques Canada pour les années 2010, 2011 et 2012. La méthode utilisée est l’analyse multi-niveaux. Les résultats empiriques n’appuient pas le modèle de monopsone pour expliquer la pénurie de main-d’oeuvre infirmière: il n’y a pas de relation statistiquement significative entre les salaires des infirmières et la part de marché des hôpitaux. Cela suggère que l’explication de la pénurie de main-d’oeuvre infirmière doit être recherchée ailleurs. Les hôpitaux (comme employeurs) ne pratiquent pas de discrimination salariale basée sur la part de marché, en dépit de leur petit nombre. Cela suppose que le fort taux de syndicalisation pourrait jouer un rôle compensatoire sur ce marché en aplatissant la structure des salaires. Cette situation est typique d’un système centralisé de fixation des salaires (lorsque le processus de détermination des salaires se produit au niveau du secteur plutôt qu’au niveau de l’entreprise). Ce système, supposément prépondérant au Canada, répond au principe d’équité mais risque d’être une source de pénurie s’il ne s’ajuste pas aux réalités régionales. Un tel système peut décourager la concurrence, entraver l’allocation efficace des ressources dans certaines régions et créer une pénurie régionale. Le mécanisme de fixation des salaires et les comparaisons régionales dans quelques provinces constituent l’objectif du 3e article. Ce dernier jette un regard plus approfondi sur la façon dont les institutions se sont organisées pour arriver aux conventions collectives en vigueur sur le marché du travail des infirmières au Canada. La théorie des disparités régionales compensatoires des salaires (DRCS) dans un marché concurrentiel est le cadre utilisé pour analyser la question de la centralisation des salaires et tester l’hypothèse de l’uniformisation de ceux-ci. Les résultats indiquent que le processus de fixation des salaires des infirmières est plutôt centralisé, mais la structure des salaires ne peut pas être décrite comme étant uniforme. Ceci signifie qu’il y a des disparités régionales de salaires, mais apparemment elles ne sont pas assez grandes pour enrayer la pénurie de main-d’oeuvre. Par exemple, des régions métropolitaines de recensement comme Montréal et Toronto ont des DRCS inférieures à leur moyenne provinciale respective.
Résumé (anglais)
Several studies and media sources report a shortage of labour in the nursing profession and indicate that the situation is not likely to improve as demand for nursing services can only increase due to the aging of the population. Given this shortage, it could be assumed that, in a perspective of maximizing wage income, employed nurses would work more hours than employees in other sectors of the economy, if not at least have the same work intensity . Yet, that does not seem to be the case. The first article of this thesis aims to shed light on the nursing labor market by seeking to understand the nature and scope of the shortage. It discusses the efficiency and distortions of the nurses’ labor market via the traditional dimensions of supply, demand, wages and the various institutions involved. One of the main findings of this study is that there are different concepts of shortage. It is important to identify the type to better target how to intervene in terms of public policies. Given the shortage of nurses and the fact that the latter did not work more hours per week than similar workers in other sectors of the economy, this implies that the goal of maximizing income can be pursued by seeking higher rates of pay. With a high unionization rate, such a strategy is plausible. However, the literature also suggests that nurses face a labor market characterized by monopsony (or oligopsony), that is, they offer their work in a single hospital (or a few hospitals) in a given region. In such a context, these hospitals may offer a lower wage than we would have seen in a competitive market; that is hourly wages are expected to be lower in hospitals with high market concentration; which can be source of regional shortage. The second article attempts to verify this assumption using Statistics Canada’s Labor Force Survey (LFS) microdata files for the years 2010, 2011 and 2012. The method used is multilevel analysis. Empirical results do not support the monopsony model in explaining nursing shortage: there is no statistically significant relationship between nurse wages and hospital market share. This suggests that the explanation for the nursing shortage needs to be explored elsewhere. Hospitals (as employers) do not discriminate on the basis of market share, despite their small numbers. This suggests that the strong union could play an offsetting role in this market and flatten the wage structure. This situation is typical of a centralized wage setting system (where the wage determination process occurs at the sector level rather than at the enterprise level). Such a system, which is supposedly predominant in Canada, is in line with the principle of equity, but it could be at the origin of the shortage if it does not adjust to regional realities. It can discourage competition, hinder the efficient allocation of resources in certain regions and create a regional shortage. The wage-setting mechanism and the regional comparisons in some provinces are the objective of the third article. The latter takes a closer look at how institutions and stakeholders are organized to come up with collective agreements for nurses in Canada. The theory of Standardized Regional Wage Differentials (SRWD) in a competitive market is the framework used to analyze this issue and to test the wage uniformity hypothesis. The results indicate that the process of wage setting for nurses is rather centralized, but the wage structure cannot be described as flat or uniform. This means that there are regional differences in wages, but apparently they are not large enough to halt the labor shortage. For example, Census Metropolitan Areas such as Montreal and Toronto have SRWD below their respective provincial average.
Détails
Type | Thèse de doctorat |
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Auteur | Ruolz Ariste |
Année de pulication | 2019 |
Titre | La pénurie des infirmières au Canada : Le rôle des mécanismes de fixation des salaires |
Ville | Québec, QC |
Département | Industrial Relations |
Université | Université Laval |
- Ruolz Ariste
- La pénurie des infirmières au Canada : Le rôle des mécanismes de fixation des salaires
- Ruolz Ariste
- Université Laval
- 2019